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Histoire de cimetière

Où reposent les Chasseloutis d'antan ?

Il est vrai que si l'on s'arrête aux dates qui figurent sur les tombes de notre cimetière on peut se poser la question ?

On sait que dans les premiers siècles de notre ère, jusqu'au VIIIe siècle environ, l'inhumation était libre. Sans doute, existait-il des coutumes mais elles ne sont pas encore arrivées jusqu'à nous.

Chasselas, durant cette période s'était développé en Messy, là où se trouvait la première église dédiée à Saint Pierre. J'ai entendu ma mère raconter que l'on aurait retrouvé des traces de sépulture au lieu-dit « le Mont Saint-Pierre », mais sans plus de détails. Monsieur Maurice Gonon confirme qu'il a effectivement souvenance de tombes retrouvées en « Messy ». Dans la cour d'une habitante de Chasselas se trouve un sarcophage retrouvé lors d'un minage à « la Coûte ». Tous ces lieux cernent l'emplacement de la première implantation de Chasselas en Messy.

Par contre je me souviens très bien qu'un soir d'hiver 19…, un vigneron et son commis venus faire une pause au café, discutaient discrètement de ce qui leur était arrivé. Le vigneron avait décidé de miner son terrain des Rochas pour y planter une nouvelle vigne. A cette époque-là on minait au treuil et les deux hommes étaient fourbus, mais ils étaient encore sous le coup de l'émotion. Le soc du treuil s'enfonce profondément dans la terre et dans ce bien nommé lieu des Rochas se heurte à des pierres de taille qui ne sont pas négligeables. L'une d'elles leur posa plus de problèmes que les autres ! Après bien des efforts ils durent se résigner à y regarder de plus près, voir comment ils pourraient la dégager. Quelle ne fut pas leur surprise en parvenant à soulever une pierre plate de voir apparaître un squelette ! Paraît même qu'ils lui ont vu des cheveux...(mais là je ne suis pas sûre qu'ils n'en rajoutaient pas un peu). « Oh!la!la!, » se dit le patron « manquait plus que ça ! ça m'a tout l'air d'être un sarcophage ! »

Des sarcophages, on en connaissait deux pour sûr, dans des cours de maisons du village où ils servaient d'abreuvoir pour les animaux. Mais maintenant avec les nouvelles lois ce ne serait plus possible de le récupérer pour soi ; et parler de cette découverte, ce serait s'attirer des tas d'embêtements, sûr qu'ils devraient interrompre le minage.

Si Cluny (quid de Cluny ?) s'en mêlait, quand est-ce qu'il pourrait la planter, sa vigne ! Alors il a fait ce que lui recommandait la sagesse paysanne, il a évité l'écueil, le pied de vigne trouverait bien toujours où enfoncer ses racines. Ca n'avait pas le moins du monde gêné les vignes précédentes. Mais il devait quand même partager avec un auditoire restreint, en l'occurrence mes parents (mes jeunes oreilles ne comptaient pas) cette trouvaille qui restait tout de même un événement. « Y avait il eu des Chasseloutis enterrés aux Rochas ! »

Plus tard j'ai entendu que l'on avait retrouvé des tombes mérovingiennes au lieu-dit des Renauds. Monsieur Bourgeois dans un article consacré à Chasselas dans la revue « Images de Saône et Loire écrit que « des tombe mérovingiennes ont été trouvées, vers 1900, lors d'un minage, au lieu-dit « les Renauds ». Ces sépultures étaient des plus rudimentaires, quelques pierres plates entourant les squelettes; » et il se pose la question : « ces gens étaient-ils des nomades ou des gens fixés sur le terrain ? »

Du cimetière qui se trouvait autour de l'église on ne retrouve de traces que dans les délibérations du conseil municipal. On y apprend que le 6 décembre 1874, on étudia la proposition de procéder à un ménage sur deux mètres de profondeur pour pallier la saturation du terrain. Cette proposition restée sans suite, le 7 novembre 1880 la décision est prise de procéder à l'achat d'un terrain pour un nouveau cimetière.

Que sont devenues les pierres tombales de l'ancien cimetière ? Certaines ont dû être restituées aux familles, d'autres sans doute réemployées. Il ne faut pas oublier que c'était d'un usage courant dans le passé.

En 1881, les hommes de Chasselas de bonne volonté aident à l'édification des murs du cimetière, les crédits de voirie de l'année y seront affectés. Pour agrémenter ce nouveau cimetière on y déménagea la croix qui se trouvait sur la place. Rares sont les vieilles familles de Chasselas qui reposent en Cornillaud et ont des descendants vivant encore à Chasselas.

Quelques pierres bien ouvragées ont résisté longtemps à la loi de la pesanteur et se retiennent de tomber. Les anciennes familles qui les ont fait ériger ont disparu tout court, ou de Chasselas seulement, mais les monuments attestent de leur présence passée, témoignent de l'art funéraire d'une époque donnée.

Nous qui à Chasselas avons laissé disparaître tant de vieilles pierres, essayons au moins de garder celles-là !

Les noms de Colette et Simone Gaty, héritières sans descendance, qui se séparèrent de biens fonciers devenus trop lourds à gérer viendront ils s'ajouter à la liste des Grandjean-Fouchy, sur le caveau de la famille ? Pendant plusieurs siècles cette famille fournira des notables au mâconnais (une branche fut anoblie, une autre donna naissance au caractère d'imprimerie « Grandjean » ou « Romain du Roy », une autre compte Jean-Jacques Rousseau dans sa lignée, etc...)

Dans ce cimetière, après la dernière guerre, j'ai connu les tombes entourées de grilles en fer forgé (la grille qui ferme la fontaine de l'église est une rescapée d'un de ces ouvrages), garnies de couronnes mortuaires de fleurs faites de petites perles, (un peu comme celles qui servent actuellement à la confection de bijoux de fantaisie). Puis vint l'ère des fleurs artificielles en plastique ou plus raffinées en soie .

Nous avons bien sûr, pour ne pas dire hélas, notre« monument aux morts » érigé en 19.., après souscription, et avec l'aide d'une subvention, en souvenir de neuf Chasseloutis « morts au champ d'honneur », et dont les corps reposent quelque part dans une terre qui n'était pas de Bourgogne.

Après la dernière guerre, (il n'existait alors ni chorale, ni école de musique) lors de la cérémonie du souvenir du 11 novembre, les écoliers de Chasselas conduits par leur institutrice venaient y chanter « la Marseillaise » et y réciter « l'hymne aux morts » de Victor Hugo. Une année, pour changer, ce fut le « cimetière d'Eylau » qui fut choisi. Après récitation, un ancien combattant le dernier survivant dans le village, le père Dufour, vint en pleurs remercier la récitante.

La grande Guerre laissait encore des traces douloureuses dans les mémoires vivantes.


L'incinération, depuis qu'elle est tolérée par l'Église, est de plus en plus fréquemment pratiquée. Elle conduit à un autre mode d'inhumation qui offre bien des variantes. L'artiste de notre village Alain Girel avait choisi la dispersion de ses cendres dans le paysage qu'il affectionnait.Quels souvenirs laisseront les morts de demain ?

Paule Vermylen-Milamant
http://www.milamant.fr/

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